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Zoom sur une femme d’exception

Portrait Roberte Laporal

Roberte Laporal : le retour d’une femme d’exception au pays natal

Il est des parcours qui réconcilient les contraires, qui tissent des ponts entre musique et engagement, spiritualité et recherche, lutte sociale et tendresse humaine. Roberte Laporal est de ceux-là. Et aujourd’hui, c’est en Guadeloupe, son territoire de cœur, qu’elle choisit de poser ses valises, forte d’un chemin de vie aussi rare qu’inspirant.

Née à Paris au sein d’une famille nombreuse où la musique était reine, Roberte grandit dans une ambiance vibrante, où chaque son, chaque voix, chaque silence la construit. Très jeune, elle s’engage dans le monde associatif : une école de la vie et du sens, qui ne cessera jamais de guider pas ses pas. Dernièrement encore, elle œuvrait au sein de l’association CAP, un atelier de transmission systémique des valeurs partagées.

Ses études en théologie, menées dans deux institutions et traditions différentes, nourrissent un besoin profond : comprendre, se situer, construire et réapprendre. Une quête qui révélera également sa voix – à ses propres critères cette fois – lorsque elle entame sa formation de chanteuse et musicothérapeute. Elle représente la France au Festival de la Réconciliation Gospel et Rachis au Bénin en 2002, avec un moment bouleversant : un chant offert face à la route du Non-retour, à Ouidah, en présence du prêtre vaudou. La mémoire, la musique, la guérison : tout était déjà là.

C’est alors que sa formation sur la musicothérapie en milieu carcéral agit comme un déclic. Forte de ses visites passées en prison auprès de jeunes détenus, elle se forme à la musicothérapie, puis enseigne sa passion musicale au CNAM. Elle intervient alors, fort dans des contextes variés : entreprises, hôpitaux, milieux sociaux, toujours avec cette conviction partagée : mettre l’humain, la voix, le soin, au centre.

Mais au-delà des réussites évoquées, son parcours est principalement forgé dans la lutte. Un et être humain. Et avant tout, une femme. Et une femme noire. Et tant qu’une femme noire. Roberte Laporal a dû affronter des obstacles multiples, provenant du monde professionnel ou du monde éducatif bénévole, son engagement étant un tournant essentiel pour bien des jeunes et des familles. Un véritable laboratoire de tous les défis à relever, en attendant, parfois, de pouvoir enfin la première manifestation officielle de jeunes ados. Elle en paiera le prix : cible à devoir reprendre des frais d’armes à la maison.

Elle subira aussi bien des discriminations à l’embauche en raison de sa couleur de peau, et une rétrogradation administrative jugée “trop qualifiée” à son retour de congé maternité. Lorsque son jeune fils, invisible aux yeux de l’institution scolaire, elle décide de le retirer de l’école pour le protéger, privilégiant l’enseignement à domicile. En retour, l’éducation nationale nie ses échanges, la CAF lui retire ses aides, et les accusations se retournent un temps contre elle. Il faudra des mois pour que la vérité éclate : la faute était bien celle de l’enseignante.

À Saumur, dans un logement insalubre, elle contracte la légionellose. Elle ne respire plus qu’avec la partie haute de ses poumons. Son fils est hospitalisé en urgence, sa fille subit à part le haut de son immeuble régulier. Pendant trois longues années, ils doivent se laver à la piscine, faute d’eau saine. Une carrière de chanteuse brisée, des douleurs chroniques, une mise à l’écart professionnelle, une pression terrible exercée sur son fils adolescent… et malgré tout, elle tient. Elle devient la cause d’alerte majeure de ville. Ce n’est qu’après un courrier officiel d’un Premier ministre, reconnaissant l’insalubrité de son logement, que la situation évolue. Les canalisations de toute la ville seront remplacées. D’autres vies ont pu être sauvées.

Lorsque Roberte souhaite soutenir son mémoire dans le cadre d’une formation ATDC (Analyse du travail et développement des compétences), on lui refuse de présenter son travail et la décroche universitaire des premières années, malgré un travail rigoureux sur les First-Year Interest Groups (FIGs) américains. Une injustice que plus, silencieuse, mais engagée.

Comme beaucoup de femmes, Roberte a été victime de violences sexuelles. À huit ans, agressée par le fils d’une famille voisine. Là encore, comme souvent, le silence a longtemps recouvert l’inacceptable.

Les épreuves, ces douleurs, ces violences systémiques, physiques, institutionnelles, n’ont pas eu raison de sa force intérieure. Elles l’ont, au contraire, forgée, renforcée. Forgée. Roberte Laporal a choisi, malgré les épreuves, sa parole, renforcé sa détermination à faire entendre sa voix, et à ouvrir la voie pour d’autres.

Son intérêt pour la parentalité, et plus précisément pour la couvade, marque un point d’ancrage dans son parcours. Ses recherches croisent anthropologie, ethnomusicologie et psychologie, et aboutissent à la parution de son ouvrage engagé,
« La couvade ou le père bouleversé » (Éditions Érès, coll. 1001 bbt).

Dans ce texte percutant, elle explore la possibilité d’une parentalité tendre, engagée, attentive, en dehors des injonctions normées. Un véritable laboratoire pour une société plus inclusive, animée des rites oubliés. Son travail est aujourd’hui cité au congrès international, et elle est invitée, en qualité de membre WAIMH-France, affiliée à l’Association Mondiale pour la Santé Mentale du Nourrisson.

En 2025, Roberte revient en Guadeloupe, où plus précisément pour lancer, après tout un parcours à Paris et en France, ses recherches, de continuer à semer : à travers la voix, le soin, la mémoire. Au sein du Club Femmes d’Outre-Mer, son choix de l’accueillir parmi les membres fondatrices relève d’une évidence, une penseuse, une sœur au combat.

Gravure ancienne Antilles
Livre ouvert Article presse gospel Couverture ancienne Couvade chez l'homme Photo complémentaire
« Les femmes portent les mondes. Encore faut-il qu’on les écoute. » – Roberte Laporal

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